Herber


Quand on veut débarrasser un champ des mauvaises herbes qui l’envahissent, on le désherbe. Au contraire, si l’objectif est de le mettre en herbe, on l’enherbe. Les préfixes – « dè- » qui sépare et « en- » qui inclus – sont là pour distinguer les verbes « enherber » et « désherber » du radical « herber ». Mais dans le feu de la distinction, ils semblent avoir emporté avec eux tous les sens possibles, n’en laissant pas de propre au radical. On désherbe, on enherbe, mais on n’herbe plus. Sauf peut-être à considérer qu’entre ces deux bords mitoyens que constituent les actions d’enherber et de désherber, l’action d’herber se glisse et ouvre une porte sur un sens inusité. (Par exemple : « étendre quelque chose sur l’herbe pour le faire blanchir au soleil», ou alors « empoisonner à l’aide de plantes vénéneuses », ou bien encore « parfumer artificiellement un vin nouveau »).

Ce modèle dialectique n’est pas sans évoquer l’eau tiède dont la définition traine quelque part entre l’eau froide et l’eau chaude et dont l’absence d’estime qu’elle suscite de tout bord est précisément ce qui la rend inestimable.